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Manipuler le climat.. Bonne ou mauvaise idée ?

Alors que la situation s'aggrave, les scientifiques et les décideurs politiques explorent de nouvelles façons de lutter contre les effets du climat. 

« L'ennui avec le terme "géoingénierie", c'est qu'il a plusieurs sens » nous prévient Régis Briday. Certains lui préfèrent l'expression de "géoingénierie du climat" ou encore, d' "intervention climatique globale".

L'historien de l'université Paris-Est Créteil Régis Briday, préfère parler d'« ingénierie climatique aux effets rapides à grande échelle ».

L'ingénierie climatique regroupe toutes les technologies destinées à modifier intentionnellement le climat. Aujourd'hui, les réflexions portent presque exclusivement sur des techniques agissant en aval de nos émissions de gaz à effet de serre, afin d'en contrebalancer les effets globaux.

« Les technologies d'ingénierie climatique s'opposent donc aux technologies dites d'atténuation, qui visent à limiter nos émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.

Negative emissions technology needed to remove CO2 and head off climate ...

C'est par exemple le cas des projets de "Captage et de Stockage du Carbone industriel" -- les fameuses technologies CCS. » 

Leur objectif : capter le CO2 en sortie de cheminée et le séquestrer dans le sous-sol.

L'idée se rapproche de celle qui consisterait à EXTRAIRE LE CO2 présent dans notre atmosphère, comme propose de le faire par exemple David Keith avec le dispositif dit de "Direct air capture"qu'il développe au sein de sa start-up "Carbon engineering".

 « Il existe indéniablement un continuum technologique entre le CCS et certaines technologies d'ingénierie climatique », souligne Régis Briday. « Mais dans ce dernier cas, l'action s'opère en aval des émissions. »

Les technologies à émissions négatives..

« Les technologies dites à " émissions négatives " montent en puissance.. Je crois que ce type particulier d'ingénierie climatique est amené à se développer de manière importante », nous confie l'historien.

 «Toutes ces technologies qui, au lieu d'émettre des gaz à effet de serre dans notre atmosphère, les captent.»

Des technologies parmi lesquelles on compte la REFORESTATION, une option qui a déjà suscité de nombreuses initiatives à travers le monde, de manière plus ou moins coordonnée.

« En revanche ", précise Régis Briday, ⇒ « la Direct air capture reste trop coûteuse et énergivore au stade actuel de son développement. »

Cette illustration symbolise l’idée qui se cache derrière l’injection de particules dans notre atmosphère : former un bataillon de minuscules miroirs qui empêcheraient une partie du rayonnement que la Terre reçoit du Soleil d’arriver jusqu’au sol. © visdia, Adobe Stock

© visdia, Adobe Stock

Cette illustration symbolise l’idée qui se cache derrière l’injection de particules dans notre atmosphère : Former un bataillon de minuscules miroirs qui empêcheraient une partie du rayonnement que la Terre reçoit du Soleil d’arriver jusqu’au sol.

Quand la géoingénierie fait débat..

Mais il existe un autre pan de l'ingénierie climatique qui est aujourd'hui beaucoup plus controversé : la GEO-INGENIERIE. 

« L'idée même apparaît aujourd'hui politiquement incorrecte », convient David Keith.

Politiquement incorrecte, vous dites ? Cela ne semble pas empêcher les scientifiques de l'envisager ou de l'étudier en tout cas..

La géoingénierie climatique, est un SUJET TABOU à cause des ​​​​​craintes qu’elle éveille, mais aussi des espoirs qu’elle suscite.

L'idée en question, c'est de MODIFIER NOTRE CLIMAT rapidement et à grande échelle, en fertilisant les océans par exemple, ou en injectant des particules dans l'atmosphère.

« Personne ne parle actuellement sérieusement de mettre en œuvre de telles techniques de géoingénierie », nous assure David Keith.

Weather Modification Is Real. Here’s How It Works

Mais d'où vient donc cette idée qui peut sembler un peu folle ? 

« C'est surtout dans les années 1950-1960pendant la GUERRE FROIDE, que les scientifiques ont commencé à y réfléchir », nous apprend Régis Briday.

Certains chercheurs ont alors testé l'ENSEMENCEMENT DES NUAGES pour contrôler la PLUIE ou ont cherché à modifier la puissance et la direction des OURAGANS. Parfois, avec des OBJECTIFS MILITAIRES, mais sans beaucoup de résultats..

« Par ailleurs, des chercheurs des deux blocs ont mis en garde contre la possibilité d'un déploiement d'armes climatiques telles qu'une INJECTION BELLIQUEUSE DE PARTICULES dans la stratosphère. »

Et c'est finalement au début des années 1970, alors que la COMMUNAUTE SCIENTIFIQUE commence à s'intéresser de manière plus sérieuse à « l'éventualité d'un changement climatique d'origine anthropique », que deux météorologues William Kellogg et Stephen Schneider - posent la question qui va bientôt brûler les lèvres :

« Si nous pouvons avoir un impact involontaire négatif sur le climat -- c'est aussi ainsi que l'on peut définir le changement climatique -- pourquoi ne pas essayer d'avoir en retour, un impact volontaire positif ? »

Les chercheurs se montrent sceptiques et la question subsiste aujourd'hui, toutefois..

⇒La "connaissance réduite" qu'ils ont du SYSTEME CLIMATIQUE et de son extrême COMPLEXITE ."permet-elle d'envisager une action intentionnelle maîtrisée ?"

<em>« Certains présentent la géoingénierie comme un plan B, mais la réalité, c’est qu’il n’y a pas de plan B. Seul le plan A vaut. Celui qui mène à la réduction drastique de nos émissions de CO<sub>2</sub>. »</em> Voilà un avant-goût de ce que Slimane Bekki, chercheur au CNRS, nous expliquera dans un prochain sujet consacré plus précisément à la géoingénierie solaire. © Thomas Reimer, Adobe Stock

Certains présentent la géoingénierie comme un plan B

 Sauf qu'en réalité, il n’y a PAS DE PLAN B.. 

 Slimane Bekki, chercheur au CNRS, nous précise : « Seul le plan A vaut. Celui qui mène à la réduction drastique de nos émissions de CO2. »

Les idées de la géoingénierie font finalement l'objet d'une synthèse dans le rapport du GIEC Groupe d'Experts intergouvernemental) sur l'évolution du climat  publié en 1997. Parmi les rédacteurs du chapitre dédié : David Keith

Mais c'est surtout à partir de 2006, avec la publication d'un article par Paul Josef Crutzen, chimiste de l'atmosphère et lauréat du prix Nobel de chimie de 1995, que la question fait débat. Ce qu'il nous dit en substance, c'est que :

« Si nous ne réduisons pas nos EMISSIONS DE CO2.. Nous allons finir par être contraints d'« INJECTER des PARTICULES dans la stratosphère»

David Keith de son côté, se montre serein : « Je suis certain que ça fonctionnera. »

Aire glaciaire

OK, mais à quel prix ?

Si l'on parle de monnaie sonnante et trébuchante, la technologie en elle-même, il faut l'avouer, semble bon marché. 

« En injectant des PARTICULES dans l'atmosphère, on pourrait créer un âge glaciaire avec seulement 0,00001 % du PIB mondial, ce n’est que pour nous AIDER A PASSER LE PIC des concentrations de CO2”

«Le déploiement de la géoingénierie induirait nécessairement des EFFETS sur les climats et écosystèmes locaux, avec d'importantes INCERTITUDES sur les savoirs associés...

Entre autres conséquences, il génèrerait donc très vraisemblablement des TENSIONS entre ETATS et entre TERRITOIRES », nous met cependant en garde Régis Briday. 

Comme l'ont expliqué plusieurs chercheurs en sciences sociales (Clive Hamilton, Mike Hulme, etc.), 

" la construction d'un cadre de gouvernance viable pour un déploiement de géoingénierie, semble une gageure ".

Sans parler du RISQUE que la perspective d'une telle « SOLUTION» rende le problème du "réchauffement climatique" et l'engagement à "réduire les émissions de gaz à effet de serre", moins critiques aux yeux du monde et de ses dirigeants..

Les économistes ont UN NOM pour ce phénomène. Ils parlent d' «aléa moral».

Et même David Keith le reconnaît :

 « Injecter de plus en plus de PARTICULES dans l'atmosphère à mesure que nos émissions de CO2 AUGMENTENT n'est pas une solution envisageable. Nous devons travailler à REDUIRE nos émissions.

Ce n'est que pour nous aider à PASSER LE PIC des concentrations de CO2 que nous pourrions envisager d'avoir recours à la GEOINGENIERIE. » 

Reste à savoir, QUI FIXERA CE SEUIL CLIMATIQUE ACCEPTABLE...

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Date de dernière mise à jour : 2024-11-09